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« Pour une Suisse romande où il fait bon respirer »


« L'objectif est de créer une disposition qui interdise de fumer dans tout lieu à usage collectif. La loi de 1991 dite loi Evin pose déjà ce principe. Mais avec l'exception des "emplacements expressément réservés aux fumeurs". Aujourd'hui, on voit bien que cela ne marche pas. »

« Mais la question principale est la suivante : au nom du principe de précaution, n'est-il pas temps de faire ce choix de santé publique ? On le brandit sur les OGM. Mais pour le tabac, qui est la cause la plus importante de mortalité, on a du mal à être cohérent. »

«Les emplacements fumeurs, on voit que ça ne marche pas» (Claude Evin)

Paris, le 17 février 2006 - Les députés anglais, après les Irlandais, les Italiens et les Norvégiens, ont voté le bannissement de la cigarette des lieux publics, y compris des pubs. Claude Evin, 56 ans, député PS de Loire-Atlantique et auteur en 1991 de la loi sur la protection des non-fumeurs, explique la position des socialistes sur cette question.

Faut-il interdire de fumer dans les lieux publics et de travail ?

Je vais déposer une proposition de loi au nom du groupe PS dans les prochains jours. L'objectif est de créer une disposition qui interdise de fumer dans tout lieu à usage collectif. La loi de 1991 dite loi Evin pose déjà ce principe. Mais avec l'exception des «emplacements expressément réservés aux fumeurs». Aujourd'hui, on voit bien que cela ne marche pas. La fumée ne s'arrête pas parce qu'il y a un chevalet qui se déplace sur une table, indiquant qu'on peut ou ne peut pas fumer. Il est nécessaire de protéger les non-fumeurs du tabagisme passif. On s'accorde aujourd'hui à reconnaître qu'il y a 3 000 personnes qui, chaque année, décèdent de la fumée des autres.

Certains députés PS s'opposent à cette nouvelle interdiction...

Nous avons effectivement débattu de cette proposition de loi au sein du groupe PS. Des collègues ont fait valoir que cette mesure serait contraire aux libertés, qu'à force d'interdire on ne pourra plus rien faire. S'il est interdit d'interdire, alors il faut être cohérent : on ne doit pas limiter la vitesse sur la route. Qui peut plaider ça ? La loi n'interdit à personne de fumer, elle n'est pas prohibitionniste. Un député a soulevé la question de son application dans les prisons. Mais contrairement à ce que beaucoup disent, il ne s'agit pas d'interdire de fumer dans les lieux publics, mais dans les lieux affectés à un usage collectif. Dans les prisons, à partir du moment où il y a plusieurs détenus dans une cellule, on est dans ce cas de figure. Je ne vois pas au nom de quoi les non-fumeurs seraient contraints de cohabiter avec des fumeurs et de mettre en danger leur santé. En revanche, à partir du moment où un détenu peut être seul dans sa cellule, on ne tombe plus sous le coup de cette règle. Il s'agira d'avoir une lecture intelligente de la loi. On trouvera toujours un certain nombre de problèmes d'application et de situations particulières. Mais la question principale est la suivante : au nom du principe de précaution, n'est-il pas temps de faire ce choix de santé publique ? On le brandit sur les OGM. Mais pour le tabac, qui est la cause la plus importante de mortalité, on a du mal à être cohérent. Pourrait-on imaginer revenir sur l'interdiction de l'amiante au nom d'intérêts économiques ?

Votre démarche vient-elle appuyer la proposition de loi d'Yves Bur (UMP), qui voudrait elle aussi bannir le tabac des lieux publics?

Il y a aujourd'hui à l'Assemblée une majorité favorable à cette mesure. Elle est plébiscitée par plus de huit Français sur dix. Et nos voisins européens l'adoptent les uns après les autres.

Mais le lobby de l'hôtellerie et des cigarettiers dispose de nombreux relais politiques...

C'est vrai. Votre journal a révélé un certain nombre de pressions qui s'exerçaient sur des parlementaires UMP. Je souhaite que le gouvernement soit cohérent avec les objectifs fixés par le président de la République : à savoir que la lutte contre le cancer est une des priorités nationales. Il ne suffit pas de le dire, si on n'en prend pas les mesures. Les Français apprécient les décisions cohérentes qui répondent à des problèmes concrets. Que les restaurateurs soient susceptibles d'être pénalisés par cette interdiction est une hypothèse qui n'est pas confirmée dans les pays où elle a été mise en oeuvre.

Les restaurateurs se font les plus ardents défenseurs des «zones fumeurs» de la loi Evin...

Ça fait 15 ans que la loi existe, on ne les a pas vus se battre pour l'appliquer. Ils disent refuser de se transformer en gendarmes. Mais ils ont beaucoup plus de problèmes dans l'application de la loi aujourd'hui qu'ils n'en auront demain, si leur établissement est totalement non-fumeur. Il y a une hypocrisie de la part des dirigeants de ces organisations qui m'interroge.

Le gouvernement peut-il mettre en oeuvre cette interdiction par un simple décret ?

La loi autorise la création d'espaces fumeurs, je ne vois pas comment on peut juridiquement s'en sortir sans la modifier.

Source: Matthieu Ecoiffier, Libération, http://www.liberation.fr/page.php?Article=360192

(Dossier 06-002 - 2006-02-17)



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