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« Pour une Suisse romande où il fait bon respirer »


Un drôle de sondage

Est-ce que la question de la fumée passive donnerait la sondagite aiguë à la Tribune de Genève? Depuis le début de l'année, le quotidien genevois a lancé deux sondages sur ce sujet, avec des questions quasi identiques. En janvier, la TdG demandait à ses lecteurs en ligne s'il fallait interdire la fumée dans les lieux publics. En avril, rebelote, la question est « Pour ou contre les restaurants sans fumée? ».

Ce deuxième sondage donnait les résultats suivants le jeudi 28 avril 2005 à 17 heures précises:


La première réponse, favorable à une interdiction, était donc largement devancée par la deuxième, pour une séparation plus marquée des espaces fumeurs et non-fumeurs. Le chiffre de 39% a de quoi surprendre quand on le compare au résultat du sondage de janvier. Peu avant qu'il soit désactivé et que ses résultats deviennent inacessibles, la configuration de ce premier sondage était la suivante:


Avec 72% de personnes favorables à l'interdiction de la fumée dans les lieux publics, pour 1061 réponses, le résultat était clair et conforme à ce que l'on pouvait attendre. Les Genevois ne diffèrent pas de leurs voisins français et italiens et sont dans leur grande majorité favorables à des lieux publics sans fumée. Un sondage effectué par un institut professionnel pour l'Illustré est venu entre temps le confirmer. Comment alors expliquer la contradiction entre ces deux sondages?

La première observation qui vient à l'esprit est que cette différence est dûe à la formulation des questions et des réponses proposées aux internautes. En mettant l'accent sur le seul fait que la fumée peut empêcher d'apprécier la cuisine, le sondage d'avril banalise totalement la dangerosité de l'exposition à la fumée passive et fait l'impasse sur la nécessité de protéger la santé du personnel et des clients. A ce titre, il est fortement inducteur, et donc on pouvait s'attendre à un pourcentage de personnes favorables à des restaurants sans fumée inférieur aux 72% qui, en janvier, souhaitaient une interdiction totale de fumer dans les lieux publics.

Cette observation ne permet cependant pas à elle seule d'expliquer un tel renversement apparent de l'opinion des internautes - de 72% en janvier à 39% seulement en ce 28 avril à 17 heures. En fait, il y a de fortes présomptions pour que le sondage n'ait aucune valeur, car il a probablement été l'objet d'une manipulation massive par des internautes agissant de concert et dont nous ne connaissons pas les motivations.

Tout a basculé en quelques heures dans la journée du jeudi 28 avril. Ce jour là, à 10h30 du matin, la configuration du sondage était la suivante:


Le sondage était en ligne depuis une semaine et le nombre de votes accumulés correspondait tout à fait à la moyenne des autres sondages de la TdG. Si on compare ces résultats avec ceux enregistrés à 17h00 le même jour (affichés plus haut), on constate une « évolution » surprenante. En quelques heures, le nombre de votes a pratiquement doublé.

 Résultats
à 10h30
Résultats
à 17h00
Votes entre
10h30 et 17h00
Nombre de votes7041351647
Pour58%
(406)
39%
(527)
19%
(121)
Séparation
plus marquée
33%
(230)
53%
(716)
75%
(486)
Contre10%
(68)
8%
(108)
6%
(40)

La colonne de droite du tableau ci-dessus montre la configuration des 647 votes qui ont eu lieu en quelques heures ce jeudi 28 avril entre 10h30 et 17h. Ces votes ont été soit soumis de façon concertée par des personnes qui sont massivement contre des lieux sans fumée, soit ils ont été en grande partie créés automatiquement par un programme d'ordinateur. Il ne peut en aucun cas s'agir d'un phénomène fortuit : ces votes révèlent une intention délibérée d'orienter le résultat du sondage. Les tests statistiques montrent en effet qu'il y a moins d'une chance sur un million d'obtenir un tel résultat à partir d'une population dont l'opinion serait conforme à celle exprimée par la première colonne (10h30), ou même la deuxième (17h00).

Ce sondage est effectivement bien troublant. Il illustre les limites méthodologiques et techniques d'un tel type d'enquête, qui n'a aucun contrôle sur la sélection de l'échantillon des votants et qui n'a pas de protection fiable pour les empêcher de voter plusieurs fois. Cela ne prête peut-être pas à conséquence lorsque le sujet n'est pas sensible, mais lorsqu'il s'agit d'un sujet tel que la protection contre la fumée passive, qui affecte les intérêts des transnationales du tabac, ces faiblesses peuvent rapidement devenir des opportunités pour répandre la désinformation et créer la confusion.

Nous devons donc interpréter les résultats de ces sondages avec la plus grande circonspection. D'autant plus que, dans le cas qui nous intéresse, on a observé un autre basculement spectaculaire des résulats du sondage, qui, le même jour à 23h05, atteignait presque 4'000 réponses, dont 74% étaient favorables à des restaurants sans fumée !


Décidemment, la journée de 28 avril 2005 a été très animée et le sondage de la TdG sur les restaurants sans fumée aura connu bien des rebondissements ! Cependant, que l'on ne s'y trompe pas. Cette mini-confusion ne peut pas masquer le fait que pendant ce temps, l'opinion publique a de plus en plus conscience des risques associés à la fumée passive et accepte de moins en moins de fréquenter des établissements dont l'air est contaminé par la fumée de tabac. Cette tendance de fond est inéluctable et n'est pas affectée par les aléas des sondages de la TdG.

(Dossier 05-017 - 2005-04-28)



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