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« Il est interdit de fumer dans les établissements publics. »

Projet de loi sur l'interdiction de fumer dans les lieux publics à Genève

24 janvier 2005 - Un projet de loi visant à interdire de fumer dans les lieux publics est en voie de consultation. OxyRomandie est heureuse d'être associée au CIPRET-Genève pour soutenir ce projet, qui a aussi reçu l'aval sans réserve de la Direction générale de la santé du canton de Genève. Notre seule hésitation concerne la possibilité d'aménager des fumoirs : ceux-ci risquent d'être une source de pollution à l'intérieur des bâtiments et leur coût d'aménagement et leur faible rentabilité les mettra hors de portée de la plupart des établissements. Nous espérons pouvoir exprimer notre point de vue détaillé sur le projet de loi lors des discussions en commission. En l'état, ce projet constitue néanmoins une immense avancée vers des lieux publics libérés de la pollution tabagique.

Cette loi sauvera des vies humaines et améliorera considérablement la qualité de vie d'un grand nombre de personnes, aussi bien chez les employés des établissements, qui sont les plus exposés, que chez les leurs clients. Elle correspond à la demande de la très grande majorité de la population. Un récent sondage de la Tribune de Genève montre que 72% des Genevois appellent de leur voeux une telle interdiction. Il ne reste plus qu'à nos élues et élus de répondre à cette volonté populaire et de se prononcer clairement et sans réserve pour l'adoption de cette loi.

Vous trouverez ci-dessous le texte intégral du projet de loi, dans sa version du 24 janvier 2004.


 
 
 
 
 

Secrétariat du Grand Conseil 

Projet présenté par les députés:
Mme et M.
Date de dépôt:
Messagerie

Projet de loi
modifiant la loi sur la restauration, le débit de
boissons et l'hébergement (LRDBH)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève décrète ce qui suit :

Art. (nouveau)

1. Il est interdit de fumer dans les établissements publics.

2. Est réservée la possibilité d’aménager des espaces fermés et suffisamment ventilés pour les fumeurs (fumoirs). Ces espaces ne sont pas destinés au service de nourriture, de boissons ou d’autres prestations.

3. L’interdiction prévue à l’alinéa 1 ne s’applique pas aux chambres d’hôtels.
 
 



 
 

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames et
Messieurs les députés,

1. Fumée passive : un risque pour la santé confirmé sur le plan scientifique

Qu’est-ce que la fumée passive ?

La fumée passive se compose de la fumée de tabac expulsée par d’autres personnes, donc de la fumée ambiante. La fumée de cigarettes contient 12% de fines particules, le reste étant constitué de gaz. Des quelques 4000 substances de la fumée de tabac, 40 sont aujourd’hui répertoriées comme étant cancérigènes. Les gaz ne sont pas seuls en cause, les fines particules parviennent également dans les voies respiratoires et les poumons. Elles s’incrustent plus profondément dans les alvéoles pulmonaires que les autres particules de poussière. La fumée passive constitue la principale source de pollution de l’air ambiant à l’intérieur des bâtiments.

La fumée de tabac directement inhalée ou de manière passive a la même composition chimique. Cependant, il y a une différence essentielle entre fumée primaire (directement aspirée) et fumée passive : on trouve davantage de substances cancérigènes et autres substances toxiques dans la fumée passive. Cela s’explique par le fait que la fumée directement inhalée est d’une température plus élevée et contient une teneur en acides différente. En outre, la fumée passive se dégage sur un laps de temps beaucoup plus élevé que la fumée primaire : 20 à 30 secondes de bouffées actives pour 10 minutes de fumée passive par cigarette consumée.

Conséquences sur les fonctions cardiaques

Les résultats de 19 études montrent que les non-fumeurs vivant avec un partenaire fumeur encourent un risque d’angine de poitrine de 23% supérieur aux personnes vivant dans un environnement non-fumeur. La fumée passive est donc une cause importante et évitable de maladies cardiovasculaires. Risque de cancer du poumon chez les non-fumeurs Le lien entre fumée passive et cancer du poumon a été mis en évidence à de nombreuses reprises sur le plan scientifique. La fumée de tabac absorbée passivement contient de nombreuses substances cancérigènes, à l’instar de celles inhalées par les fumeurs de manière active. Les non-fumeurs vivant avec des personnes qui fument dans leur foyer encourent un risque 20% plus élevé que les autres de développer un cancer du poumon. Ce risque est doublé si ces non-fumeurs doivent, de surcroît, subir la fumée passive sur leur lieu de travail.

L'exposition à la fumée de tabac pendant la grossesse augmente le risque de mort prénatale et le risque d'accouchement prématuré, et est associé à un plus faible poids du bébé à la naissance. Enfin, rappelons aussi que les nourrissons soumis à la fumée de tabac sont plus exposés à la mort subite. Les enfants vivant dans un environnement enfumé souffrent souvent de maladies des voies respiratoires (induction ou aggravation de l’asthme, bronchites, pneumonies, otites, etc.) et ont fréquemment une fonction pulmonaire diminuée qui peut être irréversible.

2. L’Affaire Rylander

L’industrie du tabac a systématiquement menti à la population, a systématiquement développé une politique de déni scientifique, n’hésitant pas à infiltrer les Universités et à corrompre des professeurs notamment à Genève dans le cadre de l’Affaire Rylander.

3. Pourquoi interdire la fumée dans les établissements publics ?

Les cafés et restaurants sont des lieux de convivialité mais sont aussi des lieux de vie qu’un grand nombre de nos concitoyen-n-es fréquentent régulièrement car leurs obligations professionnelles ne leur permettent pas de manger chez eux.

Or, un nombre croissant de personnes se déclarent ouvertement incommodées par la fumée de tabac dans les établissements publics.

Une enquête de Gastro-Suisse (Fédération de l'hôtellerie et de la restauration), effectuée en 1998, révèle qu'une majorité de 64% de clientèle suisse souhaite des restaurants sans fumée. Le 75% des 1000 personnes interrogées se sont exprimées en faveur de chambres d'hôtel dans lesquelles on ne fume pas, ainsi que 34% des fumeurs.

Ces chiffres ont été confirmés par un récent sondage du quotidien « Le Matin » qui révélait que les non-fumeurs constituent une très grande partie de la clientèle, même s’ils sont moins visibles que les fumeurs et il est reconnu que certaines personnes s’abstiennent de fréquenter des établissements publics (surtout des restaurants) précisément à cause de la fumée.

Au-delà du désagrément immédiat qu’entraîne la fumée, la population est de plus en plus consciente des risques pour la santé liés à la fumée passive qui ont été longtemps sousestimés ou sciemment cachés.

De plus, il s’est également avéré que les filtres utilisés pour dissiper la fumée n’apportent pas de véritables améliorations car ils contribuent seulement à faire circuler l’air et ne protègent donc pas rééllement de la fumée ambiante.

Des études ont montré que les technologies de ventilation utilisant l'extraction de l'air, le déplacement de l'air ou le filtrage de l'air, prises seules ou combinées, ne permettent pas de réduire à un niveau acceptable les risques sur la santé provoqués par l'exposition à la fumée de tabac. Même les systèmes les plus développés ne sont pas fiables, dans la mesure où il est difficile de s'assurer qu'ils fonctionnent correctement en permanence, car l'entretien, les réparations et les changements de filtres ne sont généralement pas effectués avec la régularité requise. Un autre problème est que ces systèmes doivent changer plusieurs fois par heure la totalité de l'air de la pièce qu'ils servent, ce qui produit un gaspillage d'énergie considérable en hiver et en été, car à peine l'air de la pièce chauffé ou refroidi, il doit être évacué pour être remplacé par de l'air frais.

4. Et la protection du personnel ?

Le récent sondage (18 janvier 2005) de Hotel Gastro Union (la principale organisation professionnelle suisse des collaboratrices et collaborateurs de l’hôtellerie et de la restauration avec plus de 18'200 membres) a mis en évidence à une très large majorité (78,5%), que trois travailleuses et travailleurs sur quatre réclament clairement une interdiction de fumer dans les lieux publics, synonyme de protection de la santé de ce personnel et de la clientèle.

Au niveau fédéral, on a reconnu que l’inhalation involontaire de la fumée de tabac constituait un véritable risque pour la santé. C’est pourquoi, le législateur a ajouté en 1993 une disposition de protection adéquate à l’article 6 de la loi sur le travail et adapté l’ordonnance 3 (article 19).

Ainsi, l’employeur doit veiller, dans le cadre des possibilités de l’exploitation, à ce que le personnel non-fumeur ne soit pas exposé à la fumée d’autres personnes.

Néanmoins, la directive a admis que, dans certaines circonstances, les mesures de protection ne soient réalisées qu’en partie. C’est donc le cas pour beaucoup d’établissements publics dont le personnel n’est que très peu protégé.

Rappelons tout de même que de nombreuses entreprises accueillant du public ont maintenant proscrit toute fumée dans leurs locaux. Citons notamment la Poste, les transports publics (les CFF réduisent de plus en plus les espaces fumeurs), la plupart des banques, les aéroports, etc. Plus récemment, c’est le cas de l’Université de Genève qui, après avoir vainement essayé la solution des espaces fumeurs et non-fumeurs, a totalement interdit la fumée.

Une étude américaine réalisée sur 20'000 personnes a indiqué que les serveurs et serveuses étaient de loin le groupe professionnel le plus exposé au tabagisme passif. Selon plusieurs auteurs, les niveaux globaux d’exposition pour ces salariés sont 1,5 à 6 fois plus importants que les niveaux présents à domicile, chez les particuliers nonfumeurs exposés, à temps d’exposition égal.

Une enquête a montré que suite à l’interdiction totale de fumer dans les établissements publics de Californie, aucun impact négatif n’a pu être observé en termes de perte de clientèle.

A Genève, certains établissements ont déjà courageusement passé à l’acte sans perte de clientèle. Certaines soirées sont maintenant organisées sans fumée dans quelques établissements de la ville.

5. Mesures prises ailleurs : L’Italie et le Tessin

Une mesure d'interdiction de fumer dans les établissements publics a été adoptée dans la province de Trente le 14 juillet 2000 par le Conseil Provincial. L'intérêt de la mesure a été démontré par un sondage réalisé par l'organisme de la santé de la province, aussi bien auprès des usagers que des professionnels. On constate que le 97,9% de la clientèle est d'accord avec la Loi provinciale qui a interdit la fumée dans les restaurants et les pizzerias. La même question posée aux professionnels a eu 91,4% de réponses affirmatives. Cela dément le lieu commun selon lequel les populations latines sont réticentes à l’idée d'introduire des limitations de la fumée de tabac dans les lieux fermés. L'exemple de Trente a été ensuite étendu à toute l'Italie avec la Loi du 16 janvier 2003 et avec l'adoption subséquente des dispositions concernant les requis techniques des locaux pour fumeurs, des installations de ventilation et de changement d'air et des modèles de panneaux relatifs à l'interdiction de fumer.

Le Conseil d’Etat tessinois a récemment déposé un projet de loi dont le présent projet s’est d’ailleurs inspiré. Il justifie cette mesure plus contraignante par le fait que depuis sept ans, le Tessin a déjà expérimenté le principe des espaces fumeurs et non-fumeurs avec ventilation. Mais à l’évidence, ces dispositions n’ont pas atteint leur but et c’est pourquoi, il a opté pour un projet de loi plus restrictif mais qui garantisse l’égalité de traitement entre les établissements.

6. Convention cadre de l’OMS

La Suisse a signé la Convention Cadre de l’OMS le 25 juin 2004 en vue de ratification. Cette Convention Cadre entre en force le 27 février 2005.

Dans son Article 8, il est stipulé :

Protection contre l’exposition à la fumée du tabac

1. Les Parties reconnaissent qu’il est clairement établi, sur des bases scientifiques, que l’exposition à la fumée du tabac entraîne la maladie, l’incapacité et la mort.

2. Chaque Partie adopte et applique, dans le domaine relevant de la compétence de l’Etat en vertu de la législation nationale, et encourage activement, dans les domaines où une autre compétence s’exerce, l’adoption et l’application des mesures législatives, exécutives, administratives et/ou autres mesures efficaces prévoyant une protection contre l’exposition à la fumée du tabac dans les lieux de travail intérieurs, les transports publics, les lieux publics intérieurs et, le cas échéant, d’autres lieux publics.

7. La mutation sociale en marche : osons faire le pas !

Nous pensons qu'aujourd'hui la population genevoise est aussi prête à une suppression de la fumée à l'intérieur des espaces clos accessibles au public. Cette limitation ne doit pas être interprétée comme le prélude à une interdiction ultérieure totale de fumer, mais comme une reconnaissance de la majorité de la population qui ne fume pas et qui ne veut pas fumer malgré elle. Il s'agit d'une mesure de protection de la santé facilement acceptable à moyen terme même par celle/celui qui fume, mesure dont elle-même/lui-même pourra tirer profit. Dans les pays où de telles mesures ont été adoptées sur le lieu de travail, beaucoup d'employés ont saisi l'occasion pour arrêter de fumer.

L'interdiction de fumer dans les établissements publics constitue aussi un facteur de protection de la jeunesse.

8. L'information et la sensibilisation

La suppression de la fumée dans les établissements publics et dans les lieux accessibles au public pourra rencontrer au début quelques résistances et des discussions. Il s'agit donc d'accompagner la mesure par une campagne d'information et de sensibilisation ainsi que par un monitoring attentif de la situation. La décision doit être expliquée et décrite comme n'ayant aucune intention discriminatoire à l'égard des fumeurs afin de créer un consensus à ce sujet.

Il faudra organiser pendant une certaine période une sensibilisation ciblant les professionnels en mettant à leur disposition du matériel publicitaire expliquant les raisons de cette mesure.

Le CIPRET-Genève et OxyGenève, les deux associations de prévention du tabagisme, ont d’ailleurs déjà lancé plusieurs campagnes afin de préparer le terrain.

9. Commentaires de l’article x nouveau

L’alinéa 1 consacre le principe d’une interdiction générale de fumer dans les établissements publics.

L’alinéa 2 admet le principe d’aménager un local séparé du reste de l’établissement où il est possible de fumer mais où il n’est pas prévu de servir de la nourriture, des boissons ou de proposer d’autres services, cela afin de ne pas exposer le personnel à la fumée ambiante.

L’alinéa 3 prévoit que les chambres d’hôtels ne sont pas soumises à l’interdiction générale de fumer car on les assimile au logement privé. Il relèvra de la compétence du gérant de l’hôtel de déterminer dans quelle chambre il sera possible de fumer. Celles-ci devraient néanmoins représenter une minorité.

Compte tenu de l’argumentation développée, nous vous prions Mesdames et Messieurs les députés, de faire bon accueil à ce projet de loi.


(Dossier 05-005 - 2005-01-24)



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