OxyRomandie demande aux conseillers aux États de rejeter le projet de loi sur les produits du tabac

Vous êtes, Madame la Députée/Monsieur le Député, confronté-e à un choix clair : soit vous donnez la prépondérance à la santé publique et à l’intérêt général, soit vous favorisez les intérêts particuliers de l’industrie du tabac. Un compromis entre ces deux objectifs est impossible car ils sont inconciliables.

Dans le cadre des débats parlementaires sur la future loi sur les produits du tabac (LPTab), OxyRomandie a adressé une lettre aux conseillères et conseillers aux États pour les exhorter à faire un choix clair, qui donne la prépondérance à la protection de la jeunesse, à la santé publique et à l’intérêt général, et non qui  favorise les intérêts particuliers des compagnies de tabac au détriment de ces valeurs fondamentales. OxyRomandie considère que le projet de loi dans sa version actuelle doit être rejeté et renvoyé au Conseil fédéral avec mandat de rédiger un texte qui lutte véritablement et avec détermination contre le fléau du tabagisme et soit en conformité avec l'esprit et la lettre la Convention-cadre de l'OMS.

Nous reproduisons ci-dessous, in extenso, la version française de notre lettre. Un lien est donné plus bas vers sa version allemande.

 

Madame la Députée/Monsieur le Député,

Durant la session d’été, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS) va vous recommander de renvoyer au Conseil fédéral le nouveau projet de loi sur les produits du tabac LPTab (15.075) avec mandat d’abandonner la réglementation de la publicité pour le tabac contenue dans ce projet.

Même si nous ne partageons pas les considérations qui ont abouti à un tel rejet, nous pensons toutefois qu’une telle décision a le mérite de la clarté, car, effectivement, les articles sur la publicité, la promotion et le parrainage du projet de loi dans son état actuel soulèvent une désapprobation quasi unanime, y compris des milieux de la santé publique. La consultation sur l’avant-projet de loi a montré que :

  • 67 organisations de la santé exigent que la publicité soit interdite de manière générale ;
  • 66 d’entre elles veulent une interdiction totale de la promotion ;
  • 72 organisations de la santé demandent que le parrainage soit interdit de façon générale ; et finalement
  • 60 organisations de la santé souhaitent voir interdire les dons et autres contributions visant à soutenir des activités ou des événements de tiers.

Le projet de loi dans sa version actuelle ne diffère en rien de l’avant- projet sur ces questions et ne répond à aucune des exigences des organisations de santé, dont l’opposition reste écrasante.

Suisse du passé et Suisse de l'avenir

Le projet de loi doit donc être rejeté et remplacé par une loi qui donne véritablement la priorité à la santé publique. À ce titre, OxyRomandie approuve le rejet du texte actuel par la CSSS et demande à ce qu’il soit renvoyé au Conseil fédéral afin que ce dernier rédige un projet avec une réelle portée de prévention du tabagisme, qui protège véritablement la jeunesse et qui soit vraiment en conformité avec les exigences de la Convention-cadre de l’OMS.

Il faut admettre qu’une loi protégeant véritablement la santé portera inévitablement atteinte aux intérêts particuliers des industriels du tabac, dont les profits dépendent de leur capacité de vendre les plus grandes quantités possibles de leur produit au plus grand nombre de personnes, notamment en recrutant le maximum de nouveaux fumeurs (essentiellement des mineurs), pour remplacer les clients qu’ils perdent chaque année (c’est-à-dire les fumeurs qui décèdent à cause de leur tabagisme – soit un consommateur sur deux – ou ceux qui arrêtent de fumer).

Chaque compagnie de tabac est condamnée à séduire les mineurs dès le plus jeune âge avec ses marques, pour ne pas les laisser à la concurrence. L’inexpérience des adolescents, combinée avec leur attrait pour la transgression et leur ferveur à appartenir à un groupe d’où ils tirent leur identité, les rend extrêmement vulnérables aux techniques de marketing. Les compagnies de tabac savent parfaitement en tirer profit.

Elles savent en particulier que la meilleure façon de cibler les adolescents est d’orienter leur publicité sur les 18-24 ans, qui sont les modèles auxquels ils s’identifient. L’interdiction de la vente de cigarettes aux moins de 18 ans, sans l’accompagnement d’une interdiction générale de la publicité, de la promotion et du parrainage, telle que le prescrit l’article 13 de la Convention-cadre de l’OMS, n’aura qu’un effet incitatif. Prise isolément, une telle interdiction va accentuer le caractère transgressif du tabagisme chez les mineurs, en renforçant l’initiation au tabagisme dans son rôle de rite de passage à l’état adulte, de signe distinctif de l’émancipation sexuelle, et d’élément important de la prise de risque dont les jeunes sont friands à cet âge. Tout cela a été parfaitement étudié par les départements de marketing des compagnies de tabac. Comme on pouvait s’y attendre, ces dernières soutiennent une telle mesure qui va dans le sens de leurs intérêts.

Vous êtes, Madame la Députée/Monsieur le Député, confronté-e à un choix clair : soit vous donnez la prépondérance à la santé publique et à l’intérêt général, soit vous favorisez les intérêts particuliers de l’industrie du tabac. Un compromis entre ces deux objectifs est impossible car ils sont inconciliables.

Si vous donnez la prépondérance à la santé publique et à l’intérêt général, vous devez demander au Conseil fédéral de proposer un projet de loi qui protège vraiment la santé et la jeunesse, en rédigeant un texte mettant en œuvre les prescriptions de la Convention-cadre de l’OMS, qui constitue la norme mondiale en matière de lutte antitabac.

Si par contre vous donnez la faveur aux intérêts particuliers de l’industrie du tabac, deux possibilités s’offrent à vous :

  • soit vous adoptez le texte qui vous est présenté par les Conseil fédéral ;
  • soit, comme vous le propose la CSSS, vous le renvoyez avec mandat d’abandonner la réglementation de la publicité.

OxyRomandie préfère l’absence d’une loi sur la publicité à la loi alibi proposée par le Conseil fédéral. L’absence de loi aurait au moins le mérite de rendre explicite l’inaptitude de la réglementation actuelle, tandis que la loi proposée dans le projet du C.F. est inefficace et même nocive pour la santé publique, tout en étant trompeusement déclarée conforme à la Convention-cadre de l’OMS : elle se borne en fait à réglementer la publicité pour le tabac en favorisant les formes modernes de marketing, dites below the line, beaucoup plus efficaces et insidieuses que la publicité traditionnelle.

Si favorisez les intérêts très étroits des industriels du tabac, alors s’il vous plaît, Madame la Députée/Monsieur le Député, ne prétendez pas que vous défendez l’économie suisse. Il est en effet démontré que la contribution macro-économique de l’activité tabac à l’économie d’un pays est globalement négative et destructrice d’emplois.

En vertu de ce qui précède, je vous exhorte donc, au nom d’OxyRomandie, à faire un choix clair, qui donne la prépondérance à la protection de la jeunesse, à la santé publique et à l’intérêt général, en rejetant aussi bien la demande de la CSSS pour la santé que le projet de loi dans sa version actuelle, en retournant ce dernier au Conseil fédéral avec mandat de rédiger un texte qui lutte véritablement et avec détermination contre le fléau du tabagisme.

Avec ma considération distinguée,

Pascal A. Diethelm, Président

Copie PDF de notre lettre: français Deutsch

 


2016.06.04/pad